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© Benoît Stichelbaut

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INTERVIEW

Benoît Stichelbaut · Photographe de mer

Rencontrer un photographe de mer, comment mieux débuter une expédition dédiée à la sensibilisation aux relations humains-océan ? Dès notre arrivée à Concarneau, nous avons interviewé Benoît Stichelbaut, photographe de voile et de mer particulièrement reconnu pour ses spectaculaires clichés du phare Ar-Men.

Ayant fait ses débuts dans le milieu de la voile et de la course au large, Benoît s’est rapidement tourné vers la photographie du milieu qu’il affectionne tant : la mer.

 

« Je ne fais pas [la photographie] pour défendre l’océan. Je fais ça parce que ça m’éclate ! » s’exclame Benoît, amoureux du grand bleu. La voile, ce sport où l’on est en contact direct avec l’eau, le sel, et le vent, il l’a pratiquée des années avant de se rapprocher de la course au large en tant que photographe. Sa connaissance de la météo et des marées - acquise au gré des navigations - a été un atout majeur, lui permettant de prévoir à l’avance les possibilités de prises de vue, pour toujours chercher la photo qui émerveillera les foules. Habitant à Concarneau depuis plus de vingt ans, son bureau est au dessus du port de pêche de la ville. La mer n’est jamais bien loin.

« Mon travail, c’est de faire des photos, de faire de mon mieux pour rendre la mer ou l’océan tel que je le vois, ou que je le ressens. » Ses clichés du mythique phare d’Ar-Men lors de tempêtes hivernales invitent le public à découvrir un océan puissant et indomptable. Des prises aériennes de l’estran dépeignent la fragilité du littoral. D’autres photos de navires de pêche et d’ouvriers de l’industrie navale illustrent notre dépendance à l’océan. 

 

La photographie est un puissant vecteur de sensibilisation. Les images nous aident à mieux comprendre des phénomènes souvent complexes, et participent à définir notre façon de penser et d’agir face au changement climatique. Mêlant réalité et art, elles permettent au photographe de véhiculer ses impressions, sensations, et émotions. Pour lutter contre les « fake news », on pense - souvent à tort - qu’il suffit d’énoncer des faits. C’est sans prendre en compte le fonctionnement du cerveau humain, ni rationnel, ni logique : il paraît qu’ « une image vaut mille mots ». 


Capturer l’instant.

En comparant les photos d’année en année, de décennie en décennie, la photographie peut illustrer en toute simplicité les changements que nous connaissons. Le merveilleux projet « Extreme Ice Challenge » a su pleinement tirer parti de cet outil puissant en installant des caméras sur vingt quatre glaciers. Les images récoltées donnent un terrifiant aperçu du recul des glaciers. 

Plus près de chez nous, le site Bretagne, de 1950 à nos jours permet de voir le littoral breton vu du ciel, un écart de 50 ans entre le côté droit et le côté gauche de l’image.  

 

Bousculer les émotions.

Reportage, paysage ou portrait, une photographie peut nous captiver durant des heures, nous mettre face à une réalité, une émotion. La puissance des vagues, le désarroi d’une population face à une inondation, le sentiment d’impuissance et de colère qui s’éveille face à des clichés de plages inondées de plastique, l’émerveillement que l’on ressent en découvrant des formes de vie exceptionnelles de l’océan profond, la tranquillité transmise par le soleil se levant sur la mer - tant d’images qui stimulent notre imaginaire et nos sens. Comment mieux comprendre les données sur l’acidification de l’océan qu’en découvrant le désolant spectacle d’un blanchissement massif de la Grande Barrière de Corail ?  

 

Conditionner nos préférences.

Robert Zajonc, psychologue américain spécialisé dans la psychologie sociale, affirme que sans affect, sans émotion, une information manquera de sens. Ses études montrent que - contrairement à ce que nous aimons nous imaginer - nos préférences ne sont pas formées de manière purement rationnelle. Elles évoluent pour se conformer aux attentes du groupe, imiter nos pairs (phénomène particulièrement visible dans la mode). Elles fluctuent aussi en réponse à des stimuli visuels répétés. En clair, voir une même image plusieurs fois altère nos préférences, qui à leur tour influencent les valeurs, les normes culturelles, les appartenances politiques, et les comportements. C’est une forme de conditionnement : plus on voit un comportement, plus on considérera qu’il est souhaitable, bien vu par nos pairs, ce qui nous poussera inconsciemment à agir de la même façon. D’un côté exploité par l’industrie, notamment via la publicité, pour nous pousser à consommer d’une certaine manière, ce mécanisme influence tout autant notre façon de penser les changements globaux actuels. 

 

Pousser à l’action.

L’instinct qui sommeille en nous nous pousse à avoir une réaction binaire lorsque nous faisons face à une situation ou une réalité hostile : se battre, ou s’enfuir. Si une situation nous paraît trop complexe, trop difficile à appréhender, et nos actions sans conséquence, alors nous aurons tous tendance à préférer la fuite. Face à une image, nous aurons une réaction similaire, agir ou nier. Pour ne pas encourager la fuite, le choix d’images positives, qui montrent non seulement les causes et les impacts des changements globaux mais aussi les solutions à notre échelle permettra à chacun de prendre connaissance des enjeux de notre époque sans être accablé par l’immensité de la tâche.

L’ONG anglaise « Climate Outreach » a développé le projet « Climate Visuals » justement pour contribuer à une représentation diversifiée et percutante du dérèglement climatique. Un travail de recherche en sciences sociales et cognitives les a amené à créer un guide des sept principes de communication des changements climatiques : 

 

1 - Montrer de “vrais” humains

2 - Raconter de nouvelles histoires

3 - Montrer les causes du changement climatique à leur échelle

4 - Montrer des impacts émotionnellement puissants

5 - Comprendre son public

6 - Montrer des impacts locaux (mais sérieux)

7 - Faire attention à l’utilisation d’images de contestation sociale

 

Sur leur site, vous trouverez une banque d’images libres, pour vous aider dans vos communications sur ce sujet complexe.

 

A notre connaissance, il n’y a pas de plateforme équivalente autour de l’océan. C’est pourquoi nous vous proposons des images issues de l’expédition en cours disponibles sur notre site

Et quand la photographie ne suffit pas, comment sensibiliser le grand public à l’océan ? La réponse est toute trouvée pour Benoît Stichelbaut : le faire monter sur un bateau. «Quand on monte sur un bateau, on change de cadre. On est obligé d’être plus conscient de ce qu’il se passe, d’être dans le moment. On devient marin dès qu’on pose le pied sur un bateau - et si on est marin, on est obligé d’être plus présent. Notre action se porte sur le courant, sur les nuages… Et là, on est sur une amorce de changement.»

© Louise Ras · Sailing Hirondelle

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Découvrez quelques photographes inspirants autour de l’océan et du changement climatique

SOURCES

Chapman, Lickel et Markowitz, Reassessing Emotion in Climate Change Communication, Nature Climate Change Vol. 7, 2017 : https://www.nature.com/articles/s41558-017-0021-9.epdf?sharing_token=lgnW2dC4P3i8e1U4xbPZgdRgN0jAjWel9jnR3ZoTv0NJ2dqegAz3p7E3aD97CVMYFbYkHsZbLm2GJu1oqqz4E0z5vj00t2wyXNnrM-d0P6bq4ZyAKVyvCbpVcuW2ZaM2oTFJvHzF_klokn5JAOqGjnCgSntJJ9xoCncogv2961s5CEcDNo-H_eCYG9kuIVSOv0NdUNe-uQWYE_JDc2A1NezULcJHx5fr0fUEVqP59NkML4hZeTOdaeBx3IRCsgowKTbGu3G_Rsn5zHlRWrRzZQPjon8jolXWJtJ6D5bZSZuULLaA8Y96gLVGWlgDONYN&tracking_referrer=www.theguardian.com

 

Climate Outreach: https://climateoutreach.org/

 

Climate Visuals : https://climatevisuals.org/

Karunungan, Can Photography Change the Way We See Climate Change ?, Tyndall Centre for Climate Change Research, 2019 : 

https://tyndall.ac.uk/news/can-photography-change-way-we-see-climate-change

 

Markowitz et Sweetland, Entering Climate Change Communications Through the Side Door, Stanford Social Innovation Revue, 2018 : https://ssir.org/articles/entry/entering_climate_change_communications_through_the_side_door 

 

Shields, Why we’re rethinking the images we use for our climate journalism, The Guardian, 2019 : https://www.theguardian.com/environment/2019/oct/18/guardian-climate-pledge-2019-images-pictures-guidelines

 

Zajonc, Mere exposure: a gateway to the subliminal, American Psychological Society, 2001 : http://www.communicationcache.com/uploads/1/0/8/8/10887248/mere_exposure_gate_way_to_the_subliminal.pdf

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